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Autour de la photo

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Repenser la sécurité routière. par Jean-Louis Andreani

Publié par vianationale113 sur 19 Août 2007, 13:56pm

Catégories : #Amplitude, #Chauffeurs des pays de l'est, #Sécurité du reseau routier

Les chiffres médiocres de la sécurité routière en juillet, qui clôturent un mauvais premier semestre (1,8 % de morts en plus), confirment la fragilité de l'embellie constatée depuis que les pouvoirs publics ont décidé de répondre aux vitesses excessives par les radars fixes. Les vies épargnées sont bien réelles : 42,9 % de tués en moins entre 2001 et 2006. Mais, sur le plan du comportement des automobilistes, tout se passe comme s'il ne s'agissait que d'une réussite partielle, voire en trompe-l'oeil.

La dégradation, qui a succédé à l'amélioration spectaculaire des premiers temps, montre en effet que le principal levier d'une conduite plus apaisée est moins une prise de conscience que la réactivation de la peur du gendarme, ou de son substitut automatique. Lorsque l'effet se dilue, la vitesse remonte, les accidents aussi : preuve expérimentale qu'aucun progrès n'est enregistré pour les autres facteurs d'insécurité.

Tous les acteurs de la sécurité routière ont leur part de responsabilité. L'Etat, longtemps avare de gendarmes sur le bord des routes, est aussi comptable de l'état des grandes infrastructures. Le chiffre officiel de 50 points noirs recensés, après l'accident du car polonais dans l'Isère le 22 juillet, pourrait d'ailleurs donner une vision trop optimiste de l'état du réseau.

En réalité, il ne s'agit que de dangers liés à une forte pente. De multiples autres points accidentogènes parsèment les routes, résorbés de façon parfois lente. Peut-être le transfert aux départements d'une partie des anciennes nationales conduira-t-il à une amélioration, au prix de dépenses supplémentaires des collectivités locales.

Du côté des conducteurs, en dehors de la vitesse, l'irresponsabilité, l'inconscience, l'indifférence aux autres, tiennent une place centrale. Or, dans une certaine mesure, la route est le reflet de la vie. Au sein d'une société où l'autre est de plus en plus souvent considéré comme quantité négligeable, perçu comme un gêneur, voire une cible potentielle de comportements agressifs, on voit mal comment les conduites dangereuses pourraient reculer. La perte de repères, la désocialisation d'une partie de la population, en partie chez les jeunes, ont des conséquences directes sur l'attitude au volant. Certains comportements quotidiens de conducteurs, avec sur la lunette arrière le "A" qui signale les permis récents, font froid dans le dos. Sans parler des chiffres alarmants qui circulent sur le nombre de chauffeurs sans permis, compte tenu des difficultés d'obtention du précieux papier rose. Ni de la conduite sous l'influence de la drogue - tous âges confondus -, qui préoccupe de plus en plus les professionnels, alors même que l'alcool au volant ne recule pas.

Poser la question de la sécurité routière, ce devrait être, aussi, traiter le problème crucial des camions. Tout conducteur sur autoroute est confronté, chaque jour davantage, à d'angoissants "murs de camions", même si ces voies restent plus sûres que les routes nationales. Si les chauffeurs de poids lourds impliqués dans des accidents sont moins souvent alcoolisés que les automobilistes, outre le fait qu'un seul camion accidenté peut bloquer plusieurs heures une autoroute et des milliers d'automobilistes, ces chocs sont plus meurtriers : avec un peu plus de 6 % des kilomètres parcourus (chiffres 2006), les "gros culs" représentent 9,6 % des véhicules impliqués dans des accidents mortels. Quelque 14,5 % des tués le sont dans un accident avec un poids lourd. Pour l'essentiel, ces victimes ne sont pas les occupants des camions.

Pourtant, en France comme dans l'ensemble de l'Union européenne, la part de la route dans le transport de fret ne cesse d'augmenter : pour la France, le chiffre est passé de 75,3 % en 1994 à 80,5 % en 2005 (chiffres Eurostat). Laisser le nombre de poids lourds lancés sur les autoroutes augmenter ainsi sans frein relève de la folie, du point de vue de la sécurité routière comme de la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique.

INVERSER LA TENDANCE

Il est urgent d'inverser la tendance. La mise en service, prévue au départ début juillet et repoussée au 10 septembre, de la plus longue ligne européenne de ferroutage, entre Perpignan et Luxembourg, s'inscrit dans cette préoccupation. Mais, à supposer que la volonté politique existe, les alternatives à la route (fer, voies d'eau intérieures, "autoroutes de la mer") auront du mal à se développer tant qu'une étape décisive n'aura pas été franchie : un jour ou l'autre, l'UE finira par admettre que les transporteurs routiers et leurs clients doivent intégrer dans leurs calculs de rentabilité une partie des coûts qu'ils génèrent : usure des infrastructures, gaz à effet de serre, insécurité routière... Ce jour-là, l'avantage économique changera de camp de façon beaucoup plus nette.

Dans l'immédiat, les autorités françaises, et si possible européennes, devraient envisager de généraliser l'interdiction de doubler sur autoroute, pour les poids lourds. Cette interdiction, expérimentale en France ou limitée à de petits tronçons, vient d'entrer en vigueur de façon permanente sur une grande partie du réseau autoroutier du Luxembourg, certes, limité à 125 km. Mais là aussi, avec un peu de courage politique, le principe pourrait être adopté à grande échelle, même s'il nécessite des investissements importants pour l'accompagner, à intervalles réguliers, de zones de dégagement pour dépasser les véhicules les plus lents.

A l'heure où le trafic international en France augmente cinq fois plus vite que le transit domestique, pour atteindre 23 % du total, l'Europe devrait aussi s'intéresser de plus près aux conditions de travail des chauffeurs. La route est un domaine où la pression de la concurrence, les différences de législation, de mentalités, de prise de conscience des enjeux de sécurité, font irruption, de façon parfois mortelle, dans notre quotidien. Or, tout ou presque retombe sur les chauffeurs routiers internationaux, au sort souvent peu enviable.

Dans certains pays de l'Europe élargie, ils sont de véritables bagnards modernes, surexploités et sous-payés. L'accident du car polonais fait d'ailleurs figure de cas d'école : un chauffeur, jeune et peu formé (tué avec vingt-cinq pèlerins), un employeur sanctionné depuis l'accident pour non-respect des temps légaux de conduite...

La sécurité routière est sans doute un combat sans fin. Mais les chances de victoire seraient plus nombreuses si la lutte était menée de façon cohérente, sur tous les fronts. Et non pas en reperdant d'un côté ce qu'on gagne de l'autre. Préserver la vie sur la route, c'est aussi améliorer la vie tout court.

Jean-Louis Andreani
Article paru dans l'édition du 15.08.07

L'article par le lien ci dessous

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